Bords de
Loire
Toute peinture peint la
naissance des choses, la venue à soi du visible (Bergson, L’œil
et l’esprit)
Un souvenir éclot soudain au bord de la conscience. Voici la mémoire de
l’enfance qui laisse s’épancher l’image d’une nature sereine et intacte. La
main retrace les paradis de rives perdues, dont la pureté vit encore dans les
méandres du fleuve et les bouquets d’arbres bleus.
Daniel Maringue relate ces impressions laissées dans le fond d’une âme. Il
aime les lueurs entre chien et loup, les crépuscules oubliés. Et lorsque le
jour s’apprête à naître ou à mourir et baigne de sa lumière incertaine les
rives de la Loire, il recueille au sein de la matière, réceptacle souple et fluide,
tous ces instants fugaces. Seule la vision muette peut saisir les silences de
couleurs ; seul l’artiste peut donner corps à l’inaudible et façonner ces
songes du passé, pour que naissent encore, entre ces bandes de terre et d’eau,
des espaces sans bornes, des arbres immenses.
Chaque toile crée son rythme propre. Variation autour des heures, des
saisons, elle trouve là ses motifs principaux et déploie, à sa façon, un temps
nouveau : un présent qui dure toujours.
De la terre
humide s’élèvent alors des effluves, aux exhalaisons des bois se mêlent les
brouillards matinaux. L’air s’emplit de rosée. Ici, un sentier à peine foulé.
Là, un banc de sable, dont la claire présence semble à jamais ancrée au centre
du paysage. Les contours demeurent indistincts, hésitant encore à se dévoiler
au promeneur.
Pourtant, imperceptiblement, les arbres voraces vont se rendre maîtres
des lieux et capturer les teintes ultimes, les chants des oiseaux venus se
perdre en eux. Troncs et branches disparaissent ainsi dans la masse épaisse,
compacte des feuillages. Les ombres ouatées grandissent, s’allongent, jusqu’à
s’étendre à la surface du fleuve et se métamorphoser en reflets. Le soir a
vaincu. Tout devient plus dense, plus fragile également. De la terre au ciel,
du ciel à la terre, le regard embrasse ces corps invisibles devenus palpables,
ces bruissements, et s’imprègne des derniers miroitements.
L’artiste ne sait pas mentir ou, quand il le fait, ce n’est que pour
rendre plus vraie encore une vision idéale. Il nous apprend à regarder, à
discerner les forces tapies, que nous ne soupçonnions plus. Les saules de sa
mémoire ploient sous les vapeurs légères, s’inclinent devant le vent qui les
frôle ; l’improbable modèle un monde à sa mesure, et chaque instant,
chaque espace se mue en une réalité plus pure.
MEMOIRE DE LOIRE
Le
sable, le ciel, l’eau se confondent et construisent un espace de silence et de
divagation.
Une Loire sauvage, rebelle,
nonchalante, dangereuse et charmeuse vous offre toutes les variantes d’ocre et
de gris. La lumière plonge d’un nuage, jaillit des remous, s’accroche aux
grains de sable. Elle frémit sur les saules, rebondit sur les galets.
Il
faut avoir marché à contre-courant pour sentir la force du fleuve et la douceur
de la rivière, être resté les yeux fascinés par ces courants qui vous
murmurent : « tu es libre ! »
Un
fleuve à contempler sans réserve, à protéger à tout prix !
Que « Mémoire
de Loire » ne devienne jamais « En mémoire de la Loire ».
Cette exposition a été présentée pour la première fois
à l’Hotel de Ville de Montélimar , au mois de Février 2005, en tant qu’invité
d’honneur du 40ème salon.
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